LA FORMATION EN PROTHÉSIE ONGULAIRE
Le marché de l’onglerie est en plein essor depuis plus d’une dizaine d’années. De plus en plus de femmes décident de s’installer et de devenir prothésiste ongulaire. Mais peut-on faire d’une passion un métier ? Comment se former pour réussir au mieux son rêve ? M’Novae a voulu interroger une experte du secteur. Rencontre avec Régine Ferrère, vice-présidente de l’Union Professionnelle de la Beauté et du bien-être.
M’Novae s’est entretenu avec Régine Ferrère, présidente de la CNEP, la Confédération Nationale de l’Esthétique et de la Parfumerie. Elle est l’une des pionnières de cette confédération. Créée en 1992, la CNEP regroupe quatre syndicats qui englobent les différentes branches du secteur de l’esthétique, de la formation aux équipementiers en passant par les fabricants de produits cosmétiques et enfin toutes les entreprises qui offrent un service au client et lui vendent des cosmétiques. Depuis un an, M’Novae est adhérent à l’UPB, l’Union Professionnelle de la Beauté et du bien-être.Il nous semblait donc pertinent d’interroger la présidente concernant la formation et les exigences futures du secteur.
Le secteur de la prothésie ongulaire
Dans un premier temps, il était essentiel de comprendre sa vision sur le métier de prothésiste ongulaire.
« Je soutiens ce métier car les stylistes ou prothésistes ongulaires sont de véritables artistes. Ce domaine demande beaucoup de patience et surtout beaucoup d’adresse. Malheureusement, il existe un véritable manque d’encadrement dans ce métier. Aujourd’hui tout le monde peut s’installer en ayant juste regardé des vidéos sur YouTube et utiliser des produits achetés sur des sites marchands qui ne sont pas conformes au règlement cosmétique …et cela devient un problème pour toutes les prothésistes formées et certifiées et respectueuses de la réglementation. »
En effet, on dénombre aujourd’hui beaucoup d’accidents liés à la prothésie ongulaire quand elle est mal maitrisée. Que ce soit la mauvaise utilisation d’une ponceuse, la pose de faux ongles sur des ongles malades, certains soucis peuvent conduire les clientes à l’hôpital. L’ongle est une partie sensible et il faut savoir le protéger et le traiter quand c’est nécessaire.
« Il faut encadrer cette profession. On ne peut pas reprocher aux gens de ne pas se former si on ne leur propose pas des formations structurées sinon on se retrouve à jeter le discrédit sur toute une profession dont la plupart des praticiennes font très bien leur travail. Il faut donc les accompagner dans leur vie professionnelle pour qu’elles continuent de vivre de leur passion tout en les protégeant. Aujourd’hui, la CNEP est souvent interpelée par des dermatologues lorsqu’il y a des problèmes. Elle a donc mis en place avec l’INRS des fiches prévention des risques disponibles pour les adhérentes »
Une formation complète : quels modules sont essentiels ?
Pour répondre à cette nouvelle problématique, M’Novae s’est particulièrement intéressé aux formations. Nous voulions savoir quels étaient les éléments essentiels à enseigner et comment former au mieux les futures prothésistes.
« Une formation axée uniquement sur la technique, ce n’est pas suffisant. Aujourd’hui la CNEP souhaite que chaque prothésiste suive une formation obligatoire pour exercer. La formation doit être composée de différents blocs : un bloc, anatomie physiologie de l’ongle et maladies spécifiques, un bloc hygiène et sécurité, un bloc réglementation cosmétique, un bloc gestion d’entreprise et un bloc technique d’embellissement de l’ongle. »
Vers une évolution des modes de formation
Avec l’ère du numérique et surtout depuis la Covid-19, le digital a pris le pas sur beaucoup de choses. Nous voulions savoir si, selon Régine Ferrère, une formation de prothésie en version online avait du sens.
« Je pense que l’on peut former quelqu’un en utilisant le digital. Pour la partie théorique, suivre des vidéos en ligne est très cohérent, C’est similaire pour la formation technique. La seule exigence concerne la validation des acquis qui doit se faire en présentiel. Il est toujours très important de voir les apprenants, d’aller à leur rencontre et surtout de pouvoir vérifier si les savoirs et les techniques sont maîtrisés. Je pense donc que le « phygital » (mix entre physique et le digital, ndlr) est la meilleure solution. »
De nos jours, en tant qu’entrepreneur, il faut savoir porter plusieurs casquettes. De la gestion d’entreprise, à la communication en passant par le réglementaire, il est indispensable d’avoir de bonnes compétences. Les formations connexes deviennent donc également essentielles.
« Je pense qu’elles sont très importantes. Pour réussir à créer son business et à le faire perdurer, les entrepreneurs doivent être accompagnés. Prenons par exemple le cas d’une prothésiste à domicile, il faut savoir calculer ses multiples frais pour proposer le prix adéquat. »
Les enjeux majeurs de l’esthétique pour les prochaines années
Pour clore cet échange, Régine Ferrère nous a fait part des enjeux majeurs du secteur de l’esthétique pour les années à venir.
S’adapter à la clientèle
On a tendance à penser que dès que l’on obtient son diplôme, on sait tout faire. Or, dès que l’on entre dans le monde du travail, on manque de temps pour réactualiser ses savoirs. Le métier doit cependant faire une introspection sérieuse et s’adapter aux nouvelles exigences clients, et à la demande forte en termes d’hygiène et sécurité.
Faire vivre une expérience
Aujourd’hui, le client veut vivre une expérience, mais il faut savoir mettre un contenu derrière les mots. Très peu d’instituts organisent un vrai parcours expérientiel. Il faut réinventer l’offre en développant ses compétences douces ou « soft skills » des salariés soit le savoir être, et faire évoluer en même temps les connaissances. Les esthéticiennes doivent savoir s’exprimer avec aisance et être curieuses de tout.
Enjeu énergétique
C’est un secteur qui consomme de l’eau, du gaz ou de l’électricité pour la chauffer et faire fonctionner les dispositifs et les équipements des espaces de soins. Les coûts sont démultipliés mais les tarifs des soins, eux ne peuvent pas l’être. Les réseaux de distribution doivent s’adapter. Aujourd’hui les instituts sont rachetés par des grandes chaines. Les fonctions support (gestion, communication, achat) sont prises en charge par des experts. C’est plus difficile pour la petite entreprise quand elle doit cumuler des expertises dans divers domaines et assumer ces coûts matière qui s’envolent.
Vers le phygital
On va tout droit vers le phygital. Aujourd’hui, une consommatrice qui a un empêchement peut se voir proposer un rendez-vous de coaching en ligne payant. Il faut former les esthéticiennes à proposer ce rdv qui ne sera pas le même qu’en présentiel. Il faut aussi poursuivre cette expérience client en distanciel en lui proposant qu’il fasse ses achats sur la plateforme dédiée que l’institut devra mettre en place pour vendre ses produits. Il faut apprendre à facturer ces services en ligne et communiquer sur ces nouvelles offres. Il faut devenir multi-canal et proposer différentes offres au consommateur.
Interview de Régine FERRÈRE, vice-présidente de l’UPB par les équipes de M’Novae
Le 08/09/2022